Développer les sports de nature en territoire atypique, exemple à Mayotte

Mayotte

Mayotte, son lagon et sa barrière de corail… Dans ce département situé dans l’océan Indien, les activités subaquatiques telles que la plongée et l’observation des baleines sont bien implantées, essentiellement sous la forme d'activités économiques et commerciales. À l’inverse, le développement d’autres pratiques sportives de nature reste faible, malgré des espaces propices, en particulier à la pratique de la randonnée pédestre et du VTT, et une demande de la population.
L’île et ses habitants, confrontés à des difficultés économiques, sociales et environnementales pourraient tirer profit d’un développement maîtrisé des sports de nature sur l’ensemble du territoire mahorais. Mais comment s’y prendre quand les outils et acteurs traditionnels dans l’Hexagone sont absents ou faiblement représentés localement ?

Un paysage institutionnel en mutation

En 2011, la départementalisation de l’île de Mayotte n’a pas entraîné le transfert de toutes les compétences dévolues au conseil départemental. Ainsi, l’article L311-3 du Code du sport qui confie au département « le développement maîtrisé des sports de nature » et la compétence pour élaborer un Plan départemental des espaces sites et itinéraires (Pdesi) n’est pas applicable à Mayotte.
De plus, les communes - et surtout les communautés de communes (depuis la loi NOTRe) - sont les acteurs principaux de l’aménagement des lieux de pratique sur les territoires. Là encore, le contexte mahorais est différent puisque les communautés de communes (au nombre de quatre ainsi qu’une communauté d’agglomérations) n’ont été créées qu’au 31 décembre 2015 et que certaines ne sont pas encore opérationnelles.

De ce fait, il est à ce jour impossible de mettre en œuvre une politique de développement maîtrisé des sports de nature avec les acteurs (collectivités, associations sportives, comités sportifs départementaux) et les outils (commission et plan départementaux des espaces, sites et itinéraires, Cdesi et Pdesi) « traditionnels ».

Un mouvement sportif sous-représenté

Associations sportives et licenciés sont peu nombreux à Mayotte. À titre d’exemples, il existe deux clubs de VTT qui fédèrent quinze licenciés, et l’activité voile est représentée par deux associations et une centaine de licenciés, ce qui est faible compte tenu du potentiel de l’île et de ce qui existe dans les autres territoires d’outre-mer. De plus, ce sont les pratiques compétitives des sports d’équipe qui rassemblent le plus de licenciés, pas les sports de nature… Par ailleurs, le niveau de revenu peu élevé de la population explique en partie les petits effectifs de licenciés : le PIB par habitant est quatre fois inférieur à celui de la France hors DOM1.

En raison des effectifs restreints de licenciés et d'associations, les comités départementaux, lorsqu’ils existent, ne constituent pas les têtes de réseaux efficaces que l’on connaît en métropole. Il n’y a donc pas d’autre solution que de s’appuyer sur les structures sportives régionales basées à la Réunion ou en métropole, ce qui ne facilite pas le développement de l’activité à Mayotte (éloignement géographique, surcoût…).

Mobiliser les ressources locales, favoriser les nouvelles coopérations

Toutefois, une dynamique est à l’œuvre pour encourager et structurer la pratique des sports de nature à Mayotte. Des actions voient le jour, impulsées par la direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DJSCS) de Mayotte, notamment en collaboration avec les acteurs des sphères éducative et environnementale.

À Mayotte, 44 % de la population a moins de 15 ans. Dans le contexte mahorais, peut-être plus qu’ailleurs, le développement maîtrisé des sports de nature peut avoir un impact positif sur l’éducation et l’environnement. En effet, pour diverses raisons telles que l’immigration illégale, la précarité, etc., une part importante des jeunes est livrée à elle-même, sans possibilité d’avoir des activités éducatives, culturelles ou sportives. D’autre part, l’île est la scène de pratiques (brûlis, déforestation sauvage, abandon des déchets entraînant la pollution des cours d’eau, etc.) qui détériorent les espaces naturels et les écosystèmes. Or, il est avéré que la pratique des sports de nature constitue un excellent support pour une éducation citoyenne, à l’environnement et à la santé.

C’est pourquoi, des actions sont engagées avec des partenaires incontournables tels que le vice-rectorat, l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) et des associations environnementales, pour construire une offre en matière de sports de nature, à destination des jeunes.
Ainsi, la création d’une dizaine de bases nautiques, réparties sur l’ensemble des côtes mahoraises est en cours. L’objectif est de développer la pratique du kayak, en particulier en milieu scolaire. Les associations sportives scolaires participent à la multiplication et à l’organisation de raids multisports de nature. Aujourd’hui, cinq raids scolaires et un raid académique sont ainsi organisés sur l'île. Il est enfin envisagé à moyen terme d’ouvrir une section scolaire sports de nature au lycée agricole de Coconi, axée sur la pratique et la connaissance des sports de nature en lien avec la gestion des sites naturels. Par ailleurs, l’association Mangrove Environnement souhaite utiliser le kayak de mer comme support pour découvrir la mangrove et in fine sensibiliser à sa protection.

Promouvoir les activités sportives de nature

Depuis trois ans, la DJSCS de Mayotte et la collectivité locale organisent les Rencontres des sports de nature. Cet évènement se déroule le temps d’un week-end, dans une commune différente à chaque édition. Plus de 2 000 Mahorais y découvrent des activités variées telles que le stand-up paddle, l’escalade aquatique, la randonnée, la plongée libre (palmes, masque, tuba), la natation, le kayak et la pirogue mahoraise, ou encore les activités de plage traditionnelles.
Cet évènement, apprécié par des participants plus nombreux chaque année, de même que les trails ou les raids multisports scolaires organisés sur le territoire, dont le nombre augmente, prouvent l’intérêt de la population pour ces « nouvelles activités ».

Les sports de nature, une autre voie

Le département de Mayotte considère les sports de nature comme un facteur de développement économique et touristique du territoire ainsi qu’un formidable outil d’éducation à l’environnement.
Le 17 octobre 2018, le président du conseil départemental de Mayotte a demandé à la ministre des Outre-mer la compétence en matière de sports de nature. Cette compétence permettra, à l’instar de ce qui existe dans les autres départements français, la mise en place d’une Cdesi et la réalisation d’un Pdesi.

La DJSCS, le département et le Comité régional olympique et sportif (Cros) ont organisé les 30 novembre, 1er et 2 décembre 2018 les Assises du sport. Ces journées constituent une étape essentielle dans l’élaboration du Schéma directeur de développement du sport dont la sortie est prévue pour juin 2019. Lors de ces assises, une table ronde consacrée à la question des sports de nature a été l’occasion d’insister sur les apports bénéfiques des pratiques sportives dans la nature en matière d’éducation à l’environnement et d’épanouissement personnel. Il y a été rappelé que le développement des activités subaquatiques, en tant que moteur de l’économie locale, doit se poursuivre dans un but de dynamisation de la filière sports de nature.

Consciente des atouts, des faiblesses et du potentiel du territoire mahorais, la Communauté de communes centre ouest (3CO), appuyée par la DJSCS de Mayotte, a décidé d’axer son projet de développement économique et touristique sur les sports de nature. Ainsi la 3CO ambitionne de devenir la principale destination de l’île pour la pratique des sports et loisirs de nature.

Communauté de communes centre ouest (3CO)

Créée au 1er janvier 2016, la 3CO est située, comme son nom l’indique, au centre ouest de Mayotte. Elle est composée des cinq communes suivantes : Sada, Chiconi, Ouangani, Tsingoni et Mtsangamouji. 50 020 habitants y sont recensés (Insee 2017). Elle est présidée par Zaïnoudine Antoyissa (ancien maire de Chiconi).

Trois types de compétences (obligatoires, optionnelles et facultatives) répartissent les domaines d’intervention de la communauté de communes.
Au titre des compétences obligatoires, la 3CO intervient dans les domaines de l’aménagement de l’espace, du développement économique et touristique, de l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, de la collecte et du traitement des déchets des ménages et déchets assimilés.

La 3CO a des compétences optionnelles : elle intervient en matière de protection et mise en valeur de l’environnement, et mène des actions dans les domaines du sport, de la culture, de l’enseignement et de la politique de la ville.
Au niveau des compétences facultatives, la 3CO a fait le choix d’intervenir dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication et sur l’organisation du transport urbain.

En savoir plus

Rubrique Développement territorial : www.sportsdenature.gouv.fr (rubrique Agir > Développement territorial)

Notes

1.Rapport d’information déposé par la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale en conclusion de la mission effectuée à la Réunion et à Mayotte pour la rentrée scolaire (16 au 21 septembre 2018).

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