Patrick Bonfils et Zaïnoudine Antoyissa : « Renforcer l'attractivité du territoire par les sports de nature »

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Patrick Bonfils
Directeur, direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DJSCS) Mayotte

Zaïnoudine Antoyissa
Président de la Communauté de communes du Centre Ouest (3CO)

Quel constat faites-vous sur la pratique des sports de nature à Mayotte ?

Patrick Bonfils : Mayotte n’a pas exploité cette possibilité de développement, malgré des espaces naturels qui s’y prêteraient bien. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, c’est une collectivité qui n'a pas encore la « compétence sports de nature », ce qui engendre l’absence d’instance de concertation et en particulier d’une Commission départementale des espaces sites et itinéraires (Cdesi). Cela va sans doute changer, car le 17 octobre 2018, le conseil départemental a sollicité la ministre des Outre-mer afin d’obtenir cette compétence. De plus, le tissu associatif des sports de nature n’est pas structuré, les éducateurs sportifs spécialisés dans les activités de nature sont absents du paysage sportif local. Et pour finir, la culture locale est plutôt portée sur les sports collectifs.

Zaïnoudine Antoyissa : En effet, jusque très récemment, la pratique sportive à Mayotte s’est limitée aux activités physiques et sportives collectives (football, handball, basketball, volley-ball et rugby). La pratique individuelle s’est développée un moment autour de l’athlétisme, le tennis, le cyclisme avant de sombrer dans l’impopularité.

Pourquoi, dans ce contexte, développer les sports de nature ?

ZA : Les Mahorais ne connaissent pas assez leur territoire et n’ont pas toujours conscience de la valeur de ce patrimoine. Des actions de découverte des milieux naturels et d’incitation à fréquenter les lieux permettraient à la population de redécouvrir son environnement. Les sports de nature nous paraissent être un bon support pour cela. Sur le territoire de la communauté de communes du centre ouest (3CO), le développement maîtrisé des sports de nature permettrait de valoriser nos espaces naturels en y aménageant des lieux de pratique et en les promouvant. Par ailleurs, il semblerait - au regard de la fréquentation des évènements sportifs - que cela réponde aux attentes de la population. Aujourd’hui, les moyens financiers et les forces vives du territoire sont mobilisés sur ce projet. Le rapprochement des services de la 3CO et de la direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DJSCS) de Mayotte - dans le cadre de l’organisation d’un évènement annuel multisport de nature - a été le point de départ de notre réflexion. Notre motivation a rencontré la volonté politique de l’État, ce qui crée un enthousiasme réciproque !

PB : David Hervé, en charge du développement maîtrisé des sports de nature, a accompagné la réalisation de trois journées dédiées aux sports de nature. Compte tenu du succès de ces journées, la DJSCS a confié à son service Sports une mission d’accompagnement de la 3CO pour la définition et la mise en œuvre de leur projet de développement des sports de nature. Par ailleurs, deux chargés de mission du Pôle ressources national sports de nature ont participé aux Assises du sport avec le Creps de la Réunion et aux travaux de la 3CO. Nul doute que cette collaboration sera fructueuse, tout comme celle que nous souhaitons engager avec les fédérations métropolitaines.

Quels objectifs la communauté de communes du centre ouest poursuit-elle à travers ce projet de développement des sports de nature ?

ZA : Nous croyons que le développement maîtrisé des sports de nature peut renforcer l’attractivité du territoire, et offrir la possibilité au département de Mayotte de devenir une « destination sports de nature ». Nous avons mis en place un office de tourisme intercommunal et lui avons confié la création d’une offre de sports et loisirs de nature à visée éducative et touristique. Les acteurs socioprofessionnels du tourisme sont associés à la démarche. L’intercommunalité entend devenir la destination touristique préférée des Mahorais.

Notre deuxième objectif vise à éduquer la population aux sports de nature en diversifiant l’offre sportive. En effet, l’offre limitée d’activités physiques et sportives dans un territoire carencé tel que Mayotte limite de fait la pratique chez les jeunes et les adultes. Aussi, le développement de la pratique multisport de nature contribue à la politique d’éducation de la population et notamment de la jeunesse. La 3CO doit agir pour que les jeunes deviennent les consommateurs avertis de demain et des professionnels compétents.

Les sports de nature nous paraissent être un bon support pour permettre à la population de redécouvrir son environnement.

Quels sont les besoins en matière de formation pour assurer le développement des sports de nature ?

ZA : À ce jour, trois types de formation sont proposés à Mayotte. Une formation BPJEPS APT, portée par le Comité régional olympique et sportif (Cros) et portant en majorité sur les activités sportives collectives. Un certificat de qualification professionnelle Animateur de loisirs sportifs, option Activité de randonnée de proximité et d’orientation (ARPO) qui ne permet pas la délivrance d’une carte professionnelle d’éducateur sportif. Enfin, une formation guide de pays, reconnue par le ministère de l'Agriculture, mais non inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles. La première cohorte de candidats est en train de terminer sa formation. C'est un vivier de futurs encadrants professionnels qui devront toutefois poursuivre leur cursus de afin de pouvoir encadrer contre rémunération.

Cette faiblesse de l’offre de formation dans le domaine des sports et loisirs de nature est un frein à leur développement. C’est la raison pour laquelle nous allons solliciter les fédérations sportives métropolitaines et notamment les conseillers techniques nationaux qui lors du dernier regroupement des référents sports de nature du ministère des Sports (Paris, 26-28 novembre 2018) ont été très attentifs, et intéressés, par le projet de la 3CO. Gageons que la diversification de l’offre de formation profite aux associations, comme à tous les professionnels.

Avez-vous d’ores et déjà engagé des actions dans le cadre de ce projet de développement par les sports de nature ?

PB : Depuis maintenant six ans, le service Sports de la DJSCS de Mayotte met son expertise au service des collectivités et les accompagne dans leurs projets de développement territorial, à vocation touristique et économique. Le lagon de Mayotte est reconnu comme étant l’un des plus beaux au monde ; la plongée y trouve son intérêt. Cela ne doit pas éclipser toute la partie terrestre qui dispose potentiellement de 164 kilomètres de sentiers de randonnée pédestre et de 70 kilomètres de pistes de vélo tout-terrain, dans une nature vierge où beaucoup restent à faire.

ZA : La 3CO s’attache à développer l’offre multisport de nature dans sa globalité, voici quelques actions programmées ou en cours :

  • la création d’un office intercommunal des sports ;
  • le réaménagement de la portion du sentier de grande randonnée qui traverse le territoire intercommunal, ainsi que la réhabilitation de nombreux sentiers thématiques existant dans chaque commune ;
  • l’aménagement de sentiers VTT en lien avec les sentiers agricoles existants, et débouchant sur les sites touristiques du territoire ;
  • une activité de kayak sur le littoral qui privilégie la découverte des mangroves et des sites naturels sensibles.

Parallèlement, une attention particulière est portée à l’apprentissage de la natation. Les habitants de l’île ne savent pas nager. Pour résoudre ce paradoxe, nous avons entamé une réflexion avec l’Éducation nationale et divers partenaires. Là encore, nous savons que le développement de la pratique des sports et loisirs de nature contribuera à l’atteinte de nos objectifs.

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