Anne-Laure Davanier Bounicaud : « Les sports de nature ont un intérêt particulier dans le traitement des affections de longue durée »

05/06/2019
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Anne-Laure Davanier Bounicaud
Coordinatrice régionale Sport santé, direction régionale et départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale Nouvelle-Aquitaine

Anne-Laure, quel est ton rôle en tant que coordinatrice le thème Sport santé à la direction régionale et départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DRDJSCS) Nouvelle-Aquitaine ?

L’essentiel de mon action consiste à coordonner et animer la stratégie régionale en matière de sport santé bien-être, en collaboration avec l’Agence régionale de santé (ARS) - et plus particulièrement la direction de la Santé publique et son service de Prévention promotion de la santé - et avec le service des Sports du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. L’ARS et le conseil régional sont partenaires de cette stratégie.

Depuis 2012, le développement de l’activité physique est une priorité qui figure dans différents programmes nationaux tels que la Stratégie nationale sport santé 2019-2024, le Programme national nutrition santé 2019-2023, le Plan national cancer, le Plan national d’action de la prévention de la perte d’autonomie. Inscrire la pratique sportive dans ces programmes interministériels et transversaux positionne le sport comme un véritable outil de santé publique.

La stratégie régionale Sport santé bien-être Nouvelle-Aquitaine est conçue à partir d’orientations et d’actions concrètes à mettre en œuvre sur la période 2019- 2024. Elle comporte quatre objectifs transversaux :

  1. Préserver pour tous l’autonomie et l’espérance de vie en bonne santé.
  2. Promouvoir un mode de vie physiquement actif dès le plus jeune âge.
  3. Développer des environnements favorables à un mode de vie physiquement actif.
  4. Développer des ressources territoriales sport santé bien être et faciliter la mise en réseau plus systématique entre acteurs concernés.

Nos modalités de fonctionnement sont les suivantes : un Comité régional des financeurs fixe les orientations, détermine et élaborer le plan d’action annuel et enfin contrôle la mise en œuvre des actions. Ce comité est composé de représentants de l’ARS, la DRDJSCS et du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Pour mener à bien ses missions, il peut s’appuyer sur d’autres instances telles que la Conférence territoriale du sport et la Commission de coordination des politiques publiques. Ces instances réunissent d’ores et déjà des acteurs clés du sport, santé bien-être.

Nous avons également décidé de créer des instances territoriales de coordination Sport, santé bien-être. Elles sont pilotées par le réseau des délégations départementales de l’ARS et des directions départementales de la Cohésion sociale et de la Protection des populations. Elles assurent avec les Comités départementaux olympiques et sportifs, les conseils départementaux, les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), pour ne citer qu’eux, l’animation territoriale de la stratégie régionale Sport santé bien-être Nouvelle-Aquitaine. Ces instances territoriales de coordination Sport, santé bien-être participent au suivi des actions, accompagnent les initiatives locales et réunissent l’ensemble des acteurs locaux engagés sur des actions dans le domaine du sport, santé, bien-être.

Marcher en milieu naturel présente des avantages, au-delà de travailler ses capacités d’endurance cardiorespiratoire, cette activité permet d’affiner ses capacités d’équilibre et de proprioception quand la nature du terrain varie, de travailler sa coordination...

L'activité physique et sportive est aujourd'hui reconnue comme outil thérapeutique, puisqu’elle peut être prescrite par les médecins traitants. Les sports de nature ont-ils un intérêt particulier en matière de santé ?

En effet, depuis le 1er mars 2017, le médecin peut prescrire une activité physique, adaptée au patient. Elle est prescrite aux personnes atteintes d’affections de longue durée, soit une trentaine de maladies qui touchent dix millions de personnes en France dont environ un million en Nouvelle-Aquitaine.

Ces chiffres sont en constante augmentation. Deux raisons principales expliquent ce phénomène : le vieillissement de la population et le fait que l’espérance de vie en bonne santé ne progresse plus. L’alimentation déséquilibrée et déstructurée, tout comme un niveau de sédentarité élevé et un niveau d’activité physique en deçà des recommandations contribuent aussi à l’apparition de ces affections de longue durée. Dans cette catégorie, les maladies les plus répandues sont le diabète de type 2, les troubles cardiaques et les tumeurs malignes.

Aujourd’hui, il est avéré que la pratique d’une activité physique régulière, adaptée et d’intensité modérée contribue à la prévention de certaines pathologies, dont celles précitées. Nous savons aussi que cette même activité physique contribue à mieux vivre avec une pathologie, et c’est pour cette raison que l’activité physique est considérée comme une thérapeutique non médicamenteuse. Néanmoins, il faut éviter le raccourci qui consiste à dire que le sport est un médicament ! D’abord parce que nous ne parlons pas de sport mais d’activité physique et parce que l’activité physique ne remplace pas le médicament.

Alors oui - et pour répondre à ta question - les sports de nature ont un intérêt particulier dans le traitement des affections de longue durée.

En effet, certaines activités sont bien adaptées aux modalités de pratique recommandées. L’endurance dite modérée peut s’obtenir grâce à la marche. Et marcher en milieu naturel présente d’autres avantages, car au-delà de travailler ses capacités d’endurance cardiorespiratoire, la marche permet d’affiner ses capacités d’équilibre et de proprioception quand la nature du terrain varie, de travailler sa coordination en utilisant des bâtons de marche nordique. Ces derniers s’avèrent pratiques quand on veut approcher le seuil d’intensité recommandé à savoir 4-5 km/h ou quand on a certaines contraintes mécaniques sur les articulations, car ils permettent une meilleure répartition du poids du corps par transfert sur chacun des bâtons. Le plus sophistiqué des tapis de marche en salle ne saurait reproduire ces conditions et produire les mêmes effets.

Et puis au contact de la nature tous nos sens sont en éveil pour anticiper, contourner, s’adapter ou tout simplement profiter. Ce temps pour soi influe la qualité de vie des personnes malades en améliorant la tolérance des traitements et de leurs effets à moyen et long termes (fatigue et déconditionnement spécifiquement liés aux traitements, réduction de l’anxiété, des états dépressifs, amélioration de l’estime de soi, de l’image corporelle, amélioration de la tolérance à l’effort…).

Cependant, il est nécessaire que la pratique de ces sports de nature se fassent selon certaines règles de sécurité. Celles admises communément pour l’ensemble de la population (par exemple éviter de pratiquer par des températures en deçà de - 5 °C et au-delà de 30 °C) et d’autres plus spécifiques, en lien avec l’observance du traitement : bien le connaître, prendre régulièrement les médicaments prescrits, pour le diabétique vérifier son taux de glycémie avant et après l’effort, avoir en permanence sur soi de quoi se « resucrer » et s’hydrater.

Notons que la pratique d’activités en altitude entraîne une baisse du VO2 et une augmentation de la pression artérielle. Par ailleurs, il faut être vigilant lors de la pratique de certaines activités en profondeur qui entraînent apnée, bradycardie hyperbare, notamment pour les personnes ayant fait des accidents cardiaques ou présentant des troubles cardiaques. La durée et l’intensité de l’effort doivent être maîtrisées. Il s’agit de ne pas prolonger les efforts pour éviter la « dérive » cardiaque, c’est-à-dire une accélération significative du rythme cardiaque. La même cadence doit être maintenue pour un effort prolongé au-delà d’une heure. Les anciens sportifs présentant des troubles cardiaques peuvent croire que le cœur « réparé » leur permet de reprendre une activité sportive « comme avant », ce qui n’est pas vrai.

La pratique d’une activité physique régulière permet à chacun de se maintenir en bonne santé. Comment encourager les individus à inscrire la pratique sportive dans leur quotidien ? Les sports de nature ont-ils un rôle à jouer dans l’atteinte de cet objectif ?

Notre santé est une richesse, un capital que chacun doit s'efforcer d'entretenir au mieux malgré des facteurs sociaux, économiques et environnementaux parfois défavorables. Il revient à chacun de mettre en place un maximum de déterminants pour développer, maintenir, entretenir ce capital. Je crois que prendre soin de soi, de sa santé, permet d’identifier ses véritables besoins, ce qui fait sens, et de ce fait invite à prendre soin des autres et de son environnement.

N’avons-nous pas besoin aujourd’hui de réinvestir, reconquérir les espaces publics et naturels de proximité, de réinterroger nos façons de produire, de travailler, pour bouger, créer du lien social, mieux vivre ensemble et préserver notre environnement et par conséquent notre santé ?

Propos recueillis par Bertrand Jardin, coordonnateur régional Sports de nature, direction régionale et départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de la lettre Sports Nature Actu

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