Sur le littoral et en particulier dans les aires naturelles protégées, la limitation des incidences environnementales des sports de nature est un enjeu important pour les gestionnaires de sites (Parcs marins, sites Natura 2000, Conservatoire du littoral, etc.) comme pour les acteurs du sport, soucieux de pérenniser l’accès aux sites de pratique sportive. Cette volonté de développer les sports de nature de manière maîtrisée nécessite des actions partagées autour de l’éducation à l’environnement et la production de connaissances spécifiques sur les publics visés.
Avec le soutien du programme Quels littoraux pour demain ? porté par la Fondation de France et du LabexMer (laboratoire d’excellence en sciences et technologies marines de l’université de Bretagne occidentale), le projet de recherche-action intitulé Sports de nature et aires marines protégées interroge le rapport singulier que les pratiquants de sports de nature tissent avec l’environnement dans lequel ils évoluent. Quelle est la place de la nature dans les motivations récréatives ? Le fait de pratiquer un sport dit de nature est-il le gage d’une conscience environnementale plus développée ? Quelles relations les pratiquants de sports de nature entretiennent-ils avec les aires naturelles protégées ?
Ce projet de recherche-action est pluridisciplinaire dans le domaine des sciences humaines et sociales1. Les chercheurs appuient leurs analyses sur la base d’une large enquête (1 000 questionnaires) menée en Bretagne et en Occitane entre 2016 et 2017. Les résultats doivent permettre de répondre à trois objectifs :
1.LETG-Brest-Géomer, Géoarchirecture, Laboratoire d'études et de recherche en sociologie, axe territoire (Université de Bretagne occidentale), Nature-Based Tourism Research Group (Murdoch University, Australia)
Université de Bretagne occidentale
Nicolas Le Corre
Maître de conférences, Université de Bretagne occidentale et coordinateur du projet Sports de nature et aires marines protégées
Quels sont les premiers enseignements révélés par l’étude des pratiquants menée dans le cadre du projet Sports de nature et aires marines protégées ?
Il faut d’abord rappeler que si ce projet est rentré dans sa troisième année, nous n’en sommes qu’au début de la valorisation des données. Le travail de terrain a été chronophage (1 000 enquêtes menées sur deux façades maritimes) mais utile, car les perspectives sont intéressantes. Les premières analyses permettent déjà de confirmer une tendance forte : la place importante de la Nature dans les pratiques étudiées, que cela soit au niveau des motivations récréatives ou même des valeurs sportives déclarées par les individus.
Mais au-delà des discours, pouvons-nous vraiment parler d’une forte sensibilité environnementale chez les pratiquants ?
La réponse n’est pas aisée. Si nous abordons cette question sous l’angle des aires protégées, nous constatons, par exemple, que les pratiquants interrogés, dans leur majorité (51,3 %), ne connaissent pas ou peu l’existence des périmètres de gestion dans lesquels ils évoluent. Il en est de même lorsque nous les interrogeons sur les raisons qui expliquent la protection des sites ou encore sur les possibles incidences des pratiques sportives sur les milieux. Mais, à qui la faute ? L’empilement des périmètres de gestion sur le terrain rend cette connaissance particulièrement difficile d’accès.
Par ailleurs, la volonté politique de satisfaire aux principes de la gestion intégrée, en permettant un accès large aux usages récréatifs tout en s’efforçant de rendre le gestionnaire et ses actions les plus discrets possibles, contribue à rendre les espaces protégés peu « visibles » pour le grand public.
Ce constat s’explique sans doute également par un déficit de communication ou, dans tous les cas, une communication qui n’a pas toujours su intégrer les attentes et les modes de pensée de ces publics. Nous constatons finalement, et c’est dommage, de faibles bénéfices perçus chez les pratiquants vis-à-vis des espaces naturels protégés.
Quelles collaborations pourrions-nous mettre en place, entre les laboratoires de recherche qui travaillent sur la thématique des sports de nature en milieu littoral et les acteurs du développement maîtrisé des sports de nature (services de l’État, gestionnaires d’espace naturel, collectivités territoriales, fédérations sportives et industrie des sports nautiques) ?
Tout d’abord, au niveau de la recherche française nous pouvons déjà nous féliciter de la montée en puissance de la thématique des sports de nature sur les territoires littoraux et marins, quels que soient les angles d’approche adoptés (territorial, juridique, sociologique, environnemental, psychologique, etc.). À titre d’exemple, la Fondation de France finance actuellement pas moins de trois études thématiques. Cet intérêt est à la fois dans l’air du temps (la recherche s’étant, jusqu’à présent, traditionnellement concentrée sur les espaces montagnards et ruraux). Il est également et surtout porté par une vision renouvelée des littoraux et de la mer par les pouvoirs publics, en témoigne le dynamisme du dispositif aires marines protégées, les directives européennes comme la Directive cadre Stratégie pour le milieu marin (DCSMM), ou encore la directive pour la planification spatiale maritime.
Les liens à envisager avec les acteurs institutionnels sont évidents : le partage des connaissances et des expériences, ou encore le montage de projets pluripartenariaux pour accroître les retombées de nos travaux pour la société civile, à l’image du programme de sensibilisation Cmonspot. Les rapprochements entre les acteurs du sport, les acteurs territoriaux et les chercheurs, s’ils sont désormais réels sur les littoraux, nécessitent cependant d’être renforcés notamment par une mise en réseau plus affirmée. Le réseau national des sports de nature, et plus particulièrement le Groupe ressources sport, mer et littoral (animé par l’École nationale de voile et des sports nautiques) semble aujourd’hui en mesure de faire ce trait d’union.