Yann Strebler : Le succès de la démarche CDESI / PDESI est lié à la concertation territoriale

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Photo : Yann Strebler par Carl Willem

Yann Strebler
chargé du PDESI
Conseil départemental des Alpes-Maritimes

Que représentent les sports de nature dans votre département ?

Les Alpes-Maritimes disposent de conditions géographiques et climatiques propices à la pratique des activités outdoor aériennes, terrestres et aquatiques. Ce territoire, a souvent été un « laboratoire » pour de nombreuses disciplines sportives avant leur développement sur le territoire national et international. Dès la fin du XIXe siècle, l’essor du tourisme et la présence d’hivernants anglais ont contribué au développement du yachting, pratiqué à Cannes dès 1859, de l’alpinisme, mais surtout du golf et du ski. De nos jours, les Alpes-Maritimes sont le berceau de nombreux champions olympiques ou du monde dans des disciplines telles que le vélo tout-terrain, le kayak, l’escalade, l’apnée et la voile. Le territoire maralpin est une destination privilégiée pour la pratique du canyonisme, de la high line, du parapente… Cet ADN constitue la base de notre plan départemental des espaces, sites et itinéraires (PDESI).

Quelles actions mène votre département pour accompagner le développement des sports de nature ?

Depuis 1988, le département gère le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) en liaison avec les communes, l’État, les établissements publics gestionnaires de l’espace naturel, les fédérations et les associations représentant les utilisateurs. Avec plus de 6 500 kilomètres de tracés balisés sur l’ensemble du territoire, le PDIPR représente une infrastructure à disposition du public pour parcourir chemins et sentiers du département, sur 180 itinéraires de randonnée pédestre et 45 itinéraires équestres. Le plan vélo propose 16 itinéraires, notamment le prolongement de l’itinéraire de vélo tout-terrain de la Grande Traversée Alpes (GTA) les Chemins du soleil ainsi que la création de l’espace VTT Alpes de la Mer sur la zone transfrontalière des vallées de la Roya, de la Bévéra et les hautes vallées du Paillon.
Le conseil départemental apporte son soutien aux clubs et comités sportifs pour rénover, réhabiliter et réaliser des équipements sportifs.

Depuis 1991, le département développe la voile scolaire en faveur des collégiens qui accèdent ainsi à l'apprentissage de cette activité pendant leurs cours d'éducation physique et sportive. Aujourd'hui, plus de 172 classes, issues de 46 collèges pratiquent au sein des 13 bases nautiques de Mandelieu la Napoule à Menton.

Depuis 2006, le plan voile et le dispositif mer sont complétés par l’handivoile à l’année et une tournée handivoile en juin et juillet pour favoriser l’accès de ce public à la voile.

Depuis 2001, le dispositif montagne et ski garantit la gratuité des cours collectifs et couvre partiellement les frais de transport des enfants vers les pistes ainsi qu’une participation aux repas pris en station chez un restaurateur pour les séances à la journée. Le conseil départemental met à disposition le matériel nécessaire pour chaque enfant scolarisé. Ce dispositif permet aux élèves de plus de 50 écoles, 7 collèges et au lycée de la montagne de Valdeblore ainsi qu’à plus de 600 personnes en situation de handicap de pratiquer le ski dans des conditions optimales de sécurité et de confort en utilisant du matériel adapté. Depuis cette année, le département prend en charge, pour toutes les communes, des séances de ski le mercredi.

Par ailleurs, il investit financièrement et matériellement pour soutenir des événements qui favorisent par la suite le développement de la pratique en club, suscitent des vocations, attirent vers le haut niveau et sont organisés en totale mixité facilitant une réelle intégration des personnes en situation de handicap. Les manifestations sportives de grande envergure, telles que le Challenge Trail Nature 06, l'Ultra Trail Côte d'Azur Mercantour et le Marathon des Alpes-Maritimes permettent notamment de sensibiliser le public au développement durable. Depuis 2012, ces actions s’articulent autour du PDESI.

Le département des Alpes-Maritimes a installé sa CDESI en 2012 et voté son PDESI en 2014, comment faites-vous pour entretenir cette dynamique ?

Pour installer la CDESI, l’assemblée départementale a adopté la mise en place d’actions départementales de pérennisation des sports de nature qui structurent la démarche. Les premières années ont permis d’expérimenter la démarche.

Le PDESI s’étoffe régulièrement, 5, puis 27, aujourd’hui 59 espaces, sites et itinéraires sont inscrits au plan. Chaque année, la CDESI permet de mobiliser l’ensemble des partenaires, de mettre à l’étude certains sites et de proposer l’inscription au PDESI des sites ayant fait l’objet d’une concertation. Des partenaires sont invités à témoigner pour mettre en avant certaines actions innovantes, par exemple la conciliation des pratiques hivernales sur un espace de snow kite, à proximité d’une réserve de chasse.

La participation régulière du conseil départemental et des membres de la CDESI aux comités de pilotage Natura 2000 permet de croiser les approches et facilite la conciliation des usages et la préservation de la biodiversité. L’instruction de certains sites peut prendre plusieurs années, notamment lorsque des aspects fonciers sont en jeu.

En 8 ans, en quoi la démarche CDESI / PDESI a-t-elle contribué au développement des sports de nature sur le territoire maralpin ?

Le département s’appuie également sur des projets européens pour amplifier les actions mises en œuvre dans le cadre du PDESI. Ce levier économique accroît l’engagement de la collectivité. En 2016, le conseil départemental s’est appuyé sur le programme européen Maritimo Intense pour aménager des mouillages écologiques sur les sites de plongée sous-marine. En 2018, année labellisée « sports de nature » par l’assemblée départementale, un diagnostic territorial a été établi avec les comités sportifs et les collectivités territoriales, dans le cadre du programme européen Alcotra MITO Outdoor. Dans la poursuite suite de ce projet, en 2019, le département a initié un observatoire des sports de nature, puis en 2020 a réalisé une enquête prospective sur les excursionnistes pratiquant des sports outdoor, qui se poursuit jusqu’en septembre 2021, en partenariat avec les 7 intercommunalités et les comités sportifs.

Que conseilleriez-vous aux départements souhaitant se lancer dans la démarche CDESI / PDESI ?

Le succès de la démarche est lié à la concertation territoriale. Les actions menées dans ce cadre permettent d’organiser l’accessibilité aux espaces naturels, de contribuer à la promotion et à la préservation de ces milieux, de manière maîtrisée. De même, la démarche CDESI / PDESI soutient le mouvement sportif local et favorise le sport pour tous et le sport santé.

Quelles seraient vos préconisations pour améliorer la démarche CDESI / PDESI ?

Dans les Alpes-Maritimes, le succès de la démarche dépend du partenariat établi avec les comités sportifs et les autres acteurs institutionnels. La CDESI est un outil de concertation territoriale. Cette instance consultative a trouvé sa place et contribue ainsi au développement maîtrisé des sports de nature. En outre, une clarification législative des notions d’acceptation des risques et de gardien de l’espace naturel constituerait réel levier juridique pour développer les sports de nature de manière harmonieuse.

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