Le développement maîtrisé des sports de nature, une politique de terrain

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Les Français et les Françaises aiment les sports de nature. Trois personnes sur quatre, âgées de plus de 15 ans, déclarent pratiquer des activités sportives dans la nature, soit plus de 34 millions de pratiquants[1]. Après la recherche de détente, le contact avec la nature est leur deuxième motivation. En 2020, les restrictions de sorties liées à la pandémie de Covid-19 confirment le besoin d’accès aux espaces naturels des individus.

Pour accompagner ce phénomène de société, les pouvoirs publics œuvrent – depuis une trentaine d’années – en faveur du développement maîtrisé des sports de nature, par la définition d’un cadre législatif et sa mise en œuvre au niveau territorial. Il s’agit de satisfaire l’aspiration des personnes à pratiquer des activités sportives en milieu naturel, en la conciliant avec les autres usages de l’espace, la protection de l’environnement et le respect du droit de propriété. Si les conseils départementaux sont les chefs de file de cette politique publique, d’autres collectivités ont des compétences et s’impliquent dans ce domaine.

Les chiffres présentés dans ce dossier proviennent de l’enquête nationale menée auprès des départements français en 2019 par le Pôle ressources national sports de nature.

Péreniser l’accès aux lieux de pratique : une nécessité

Le législateur a fait le choix de définir les sports de nature par les lieux de pratique. L’article L311-1 du Code du sport précise que « les sports de nature s'exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains du domaine public ou privé des collectivités publiques ou appartenant à des propriétaires privés, ainsi que des cours d'eau domaniaux ou non domaniaux ».

Cette définition bien qu’incomplète, puisqu’il manque par exemple le milieu aérien, permet de reconnaître que les espaces naturels équipés ou non peuvent être affectés à la pratique sportive. Contrairement à une pratique sportive utilisant des équipements dédiés (par exemple un stade ou un terrain de tennis) les espaces, sites et itinéraires (ESI) relatifs aux sports de nature ne sont pas exclusivement fréquentés par les personnes pratiquant une activité sportive. Afin de garantir dans le temps l’accès aux lieux de pratique des sports de nature, les deux points doivent être acquis : l’accord des propriétaires fonciers des ESI et la cohabitation, au minimum un partage des espaces, entre les différents usagers de la nature.

Pour accompagner les acteurs de terrain, le Pôle ressources national sports de nature (PRNSN) a publié 18 fiches présentant les outils juridiques existants pour garantir l’accès aux ESI : outils d'acquisition, outils limitant le droit de propriété, outils contractuels et outils de planification. En pratique, les conventions d’usage et d’accès (contrats de prêt) avec le propriétaire sont majoritairement utilisées pour préserver l’accès aux ESI. La prise en compte des sports de nature dans les documents d’urbanisme est également un axe intéressant. À ce titre, les départements du Pas-de-Calais et de la Drôme ont publié un guide élaboré en partenariat avec leur Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).

Le département, acteur clé du développement maîtrisé des sports de nature

En 1983, le législateur attribue aux conseils départementaux une compétence dans le domaine de la randonnée (pédestre, cycliste et équestre) à travers l’élaboration d’un plan départemental d’itinérance de promenade et de randonnée (PDIPR). Le PDIPR protège juridiquement les itinéraires inscrits au PDIPR, empruntant des chemins ruraux, par imposition du maintien ou du rétablissement de leur continuité. En 2020, 74 départements déclarent avoir mis en place un PDIPR.

Afin de prendre en compte tous les sports de nature, le législateur a élargi la compétence des conseils départementaux. Dès 2004, les départements ont la responsabilité de mettre en œuvre un plan départemental des espaces, sites et itinéraires (PDESI). Pour ce faire, le département s’appuie sur une commission départementale des espaces, sites et itinéraires (CDESI) permettant de réunir les différents acteurs et usagers de la nature. L’objectif de la CDESI est de proposer au département l’identification des espaces, sites et itinéraires (ESI) et leur inscription au PDESI. Parallèlement, 85 % des CDESI assument la conciliation des conflits d’usages. Cette mission de conciliation et le fait qu’elle soit composée d’acteurs locaux, font de la CDESI une assemblée des sports de nature. Cette instance est reconnue par les différents acteurs du territoire.

En 2020, 63 départements déclarent avoir une CDESI, mais seuls 42 départements ont voté un PDESI. Cette situation s’explique certainement par le fait que le PDESI souffre d’une limite non négligeable. Contrairement au PDIPR qui protège juridiquement les chemins ruraux, le PDESI n’a pas d’effet juridique qui garantisse l’accès aux ESI qui y sont inscrits. En effet, l'accès reste conditionné à la convention signée avec le propriétaire ou le gestionnaire. Pour encourager l’élaboration des PDESI, il faudrait leur conférer un effet juridique favorisant l’accès des pratiquants aux ESI. Cette évolution est souhaitée par les conseils départementaux.

L’action des départements ne se limite pas uniquement à la mise en place d’une CDESI ou au vote d’un PDESI. Ils sont 22 à déclarer mener une politique en faveur d’un développement maîtrisé des sports de nature sans être engagés dans la démarche CDESI / PDESI. Une très large majorité d’entre eux ont effectivement un PDIPR et il est intéressant de noter qu’une instance de conciliation est présente dans deux de ces départements (l’Ariège et la Haute-Savoie).
Les moyens mobilisés par les départements pour mener une politique en faveur du développement des sports de nature sont un indicateur de leur engagement. Sur le plan financier, il est difficile d’identifier un budget moyen du fait d’une trop grande disparité d’un département à un autre. En matière de ressources humaines, le volume total d’agents – plus de 180 ETP (équivalent temps plein) – missionnés sur cette politique témoigne d’un engagement fort des départements.

Chiffres extrait de la synthèse Politiques départementales en faveur d’un développement maîtrisé des sports de nature publiée en 2021

D’autres collectivités impliquées

En 2014, puis en 2015, les lois MAPAM (modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) et NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) ont redéfini les compétences des collectivités. Néanmoins, ces deux lois n’ont pas remis en cause la compétence des conseils départementaux. Les régions, les intercommunalités et les métropoles – compétentes dans le domaine de la planification territoriale – ont investi la thématique des sports de nature.

Les régions investissent le champ des sports de nature par leurs compétences de développement touristique et économique. L’échelon intercommunal est de plus en plus engagé sur les politiques liées à la randonnée. Depuis 2017, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont une compétence dans le domaine du tourisme. Les métropoles représentent-elles, des entités particulières où l'ensemble des compétences se concentrent au sein de la même collectivité. En référence à l’article L311-7 du Code du sport, la métropole de Lyon a élaboré un plan métropolitain des espaces sites et itinéraires.

Cartes et guides édités par la métropole Grand Lyon

Les conseils départementaux souhaitent des évolutions législatives

Il y a 30 ans, le législateur ne s’est pas trompé en accompagnant la démocratisation de la pratique sportive de nature en France. Aujourd’hui, la prise en compte des sports de nature par les acteurs territoriaux est effective. Le dispositif CDESI / PDESI constitue le socle des politiques départementales.
Néanmoins, pour pérenniser l’accès aux lieux de pratique, une évolution législative concernant la responsabilité des propriétaires est nécessaire et constituerait une avancée remarquable pour un développement structuré et durable des sports de nature. En effet, une exonération de la responsabilité sans faute des propriétaires d’ESI serait de nature à les rassurer, ce qui in fine les inciterait à autoriser le passage – ou la présence – des pratiquants sur leur propriété.

Depuis 2017, plusieurs tentatives ont été menées pour parvenir à cette évolution législative, à ce jour aucune n’a abouti. De ce fait, certains départements ont souscrit des assurances permettant d'atténuer la responsabilité des propriétaires privés.

Notes

[1] Baromètre des sports et loisirs de nature en France 2016. Ministère chargé des Sports ; Pôle ressources national sports de nature ; Fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs ; Fédération française des industries sport et loisirs ; Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (L-Vis), Université Claude Bernard, Lyon 1

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