Outdoorvision : un test grandeur nature prometteur

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Il y a un an, Outdoorvision entamait un test décisif. Il s'agissait pour la plateforme numérique développée par le Pôle ressources national sports de nature (PRNSN) de sa première confrontation avec un panel d'utilisateurs. Onze territoires d'Auvergne-Rhône-Alpes, intéressés par l'agrégation et la valorisation de millions de traces GPS qu'elle permet. Bilan de l'expérimentation : les territoires s'affichent réjouis et l'outil en sort grandit. Un retour gagnant-gagnant, de bon augure pour la suite.

« Si on m'avait dit l'an passé à la même époque que le projet Outdoorvision en serait là aujourd'hui, on aurait signé les yeux fermés ! », s'enthousiasme Christophe Martinez, chef du projet. Rien n'était joué d'avance, en effet. Sur le papier déjà, le projet démarré en 2019 s'annonçait ambitieux : créer un outil numérique capable de collecter les traces GPS enregistrées sur les applications ou objets connectés des pratiquants d'activités de pleine nature, de les agréger et d'en tirer des informations utiles aux acteurs du sport, du tourisme, de l'aménagement du territoire et de la préservation de la nature. Et sur le terrain, cela implique une gouvernance associant de nombreux acteurs aux profils et attentes variés : un ministère, des services de l'État, des collectivités territoriales, des fédérations sportives et des sociétés privées internationales ou françaises. Au défi synergique s'ajoutait donc le défi technique de mettre en ligne une plateforme innovante et fonctionnelle.

Outdoorvision, un outil bienvenu

« Une dynamique extrêmement positive s'est enclenchée avec tous les acteurs, partenaires financiers et territoires utilisateurs, note Christophe Martinez, rassuré. Cela prouve que nous avons vu juste avec Outdoorvision, que des personnes sont intéressées par le concept et qu'il répond à un besoin. » C'est également le constat effectué par le Cermosem à la fin de l’expérimentation. Antenne de l'Université Grenoble Alpes (UGA), rattachée à l’Institut d'Urbanisme et de Géographie Alpine et au laboratoire de recherche PACTE, ce campus rural a mené pour le compte du PRNSN une enquête de satisfaction auprès de territoires d'Auvergne-Rhône-Alpes ayant testé la plateforme Outdoorvision. La variété des territoires, des activités y étant pratiquées et l'engagement politique dans leur développement ont fait de la Région Auvergne-Rhône-Alpes un terrain d'expérimentation de premier choix. Quarante-trois entités, labellisées Territoires de montagne 4 saisons et Excellence pleine nature par la Région, faisaient figure de prétendants pour tester la plateforme de mars à décembre 2021. Onze territoires ont été retenus, parmi lesquels des parcs naturels régionaux (Vercors, Haut-Jura, Baronnies, Volcans d'Auvergne), un parc naturel régional en phase de préfiguration (Belledonne), des syndicats intercommunaux (Puy-Mary, Monts du Lyonnais), des sociétés publiques locales touristiques (Montagne Ardéchoise, Cévennes d'Ardèche) et des communautés de communes (Oisans, Ardèche des Sources et Volcans).

Quel constat après 10 mois d'expérimentation ? Une satisfaction générale. Les neuf territoires ayant répondu à l'enquête ont tout d'abord salué l'expertise et l'accompagnement du PRNSN. Entre réunions communes riches en partages d'expériences et échanges bilatéraux avec chaque territoire, il s'est rendu disponible et réactif aux questionnements, remarques et suggestions de chaque territoire. Mieux, il a su créer un vrai collectif – le Club utilisateurs –, motivé par une saine émulation à la hauteur des enjeux d'Outdoorvision. Quels enjeux ? Fournir un outil performant de visualisation des passages de pratiquants d'activités outdoor, qui soit utile aux territoires pour l'aide à la décision. Deux objectifs atteints dans leur ensemble à l’issue du test, de l'avis des usagers.

Une efficacité et une utilité avérées

D'une part la plateforme a évolué. À la suite des retours des territoires, la version bêta proposée il y a un an s’est enrichie de nouvelles fonctionnalités, a gagné en confort d’utilisation et en fiabilité pour aboutir à une version 1 plus satisfaisante, en septembre dernier. Les améliorations ont porté sur le nettoyage des données collectées, la puissance de recherche, l'affichage (carte plus grande, possibilité de réduire les menus et l'opacité, etc.), la possibilité de choisir des périodes dans un calendrier ou encore de sélectionner plusieurs activités.
D'autre part Outdoorvision, fort de performances grandissantes, a fait l'objet de multiples utilisations par les territoires. L'aménagement, l'attractivité touristique, la protection de la biodiversité, les pratiques sportives ou la prévention des accidents ont été autant de champs d'application exploités (lire l’entretien avec Mathieu Schoendoerffer). Des exemples ? En Cévennes d'Ardèche, l'affichage des points de départs les plus fréquentés incite à la mise en place de nouveaux panneaux d'information pour améliorer « l'accueil des pratiquants ». Au Pas de l'Aiguille, dans le Vercors, l'identification d'une zone plus fréquentée constitue un indice pour le repositionnement d’un panneau de réglementation. Dans les Baronnies Provençales, la visualisation des principales aires de pause des randonneurs permet d’envisager l'optimisation des actions de sensibilisation à la faune et flore environnante.

« La phase d’expérimentation a amené aux territoires des connaissances, des éléments de diagnostics, qui leur ont permis d'envisager des actions sur le terrain qui peuvent être longues à concrétiser », explique Christophe Martinez. Quoi qu'il en soit, son potentiel est bien là. Non seulement il a conquis les 11 territoires expérimentateurs, qui souhaitent quasiment tous poursuivre l'utilisation de la plateforme, mais il fait déjà des émules en Auvergne-Rhône-Alpes comme dans d'autres régions de France ! Le déploiement national d'Outdoorvision, prévu sur 2022-2024, s'annonce bien… et peut compter sur de nouveaux appuis financiers. Car si l'État était l'unique portefeuille au début de l'expérimentation – via le ministère des Sports, le PRNSN et le Centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) Auvergne-Rhône-Alpes qui l'héberge sur son site de Vallon-Pont-d'Arc –, d'autres financeurs ont progressivement participé au projet : la Région Auvergne-Rhône-Alpes, l'Agence nationale du sport, les fédérations françaises de Randonnée pédestre et de Cyclisme et plus récemment la direction interministérielle du Numérique et enfin le fonds de dotation Paris 2024. Les investisseurs se diversifient, les moyens se consolident.

Outdoorvision, en route vers un déploiement national, Élodie Villard, chargée du déploiement territorial d'Outdoorvision (PRNSN)

Un avenir « tous tracés »

La plateforme Outdoorvision doit également ce lancement réussi aux données qui font tourner son moteur numérique : les traces GPS qu'enregistrent les pratiquants durant leurs activités sportives de nature. Cette indispensable donnée, le PRNSN la recueille de deux manières. D'une part, il conventionne avec des fournisseurs (à savoir des sites web et applications Smartphone dédiés à la pratique des sports de nature dont les utilisateurs ont accepté de partager leurs traces) pour recevoir des livraisons de données. VisoRando et Visu GPX sont partenaires de la première heure, rejoints fin 2021 par IGNRando et OpenRunner. D'autre part, il va directement chercher les données à la source, en invitant les pratiquant·es équipé·es de bracelet ou montre connectés à déposer leurs traces sur Outdoorvision via le compte dont ils ou elles disposent chez les marques partenaires. Lesquelles ? Garmin, Suunto et tout récemment Polar.

Certes, déposer son tracé sur la plateforme Outdoorvision est simple et n'exige qu'une adresse de messagerie pour toute information personnelle, néanmoins cette démarche basée sur le volontariat nécessite d’être encouragée. Comme le commente Christophe Martinez, « elle requiert le développement d'API (interface de programmation d'application) autorisant la synchronisation des comptes à la plateforme et contraint à aller « chercher » les pratiquants par des opérations de communication (défis sportifs Running Heroes et Cycling Heroes, bannières publicitaires sur Google, etc.). » Pour autant, le jeu en vaut la chandelle. « Les personnes qui contribuent représentent majoritairement une communauté sportive, régulière et locale. Cela crée un équilibre car les traces collectées via des fournisseurs, émanent davantage de pratiquant·es de loisir, de découverte ou tourisme. » Les 3 500 contributeur·trices ont ainsi permis d'intégrer près de 800 000 traces, soit 12 % des 6,5 millions que totalisent aujourd'hui Outdoorvision. Ces tracés concernent des activités variées, regroupées par famille : Marcher (randonnée pédestre, raquette, marche nordique, etc.) ; Courir (trail, running, course d'orientation, etc.) ; Pédaler (VTT, gravel, vélo de route, etc.) et Skier (ski de randonnée, ski nordique, ski alpin, etc.).

Photo Suunto par Matti Bernitz

Des défis à relever

Le volume de traces GPS est la première piste d'amélioration évoquée au terme de l'expérimentation, par les territoires comme par le PRNSN. Il se devra d'être plus important et mieux ventilé sur les activités (lire l’entretien avec Mathieu Schoendoerffer). Vélo, course à pied et ski sont par exemple insuffisamment représentés. En raison d’un manque de connaissance qu'ont les territoires des pratiques (un secteur peut connaître une forte fréquentation alors que la plateforme y affiche peu de traces) ou en raison des caractéristiques géographiques (des différences sont observées entre des territoires très ruraux ou au contraire proche d’une métropole par exemple). « D'où nos efforts actuels pour réussir à déterminer un « seuil acceptable » de données en fonction des caractéristiques sociodémographiques du territoire », assure Christophe Martinez.

Autre marge de progrès pour Outdoorvision : la représentativité des données vis-à-vis du nombre réel de pratiquant·es (lire l’entretien avec Mathieu Schoendoerffer). Les traces collectées ne représentent en effet qu'un échantillon de passages, que le PRNSN aimerait mieux qualifier pour qu'il soit un miroir, le moins déformant possible, du terrain. Le croisement des jeux de données est à l'étude pour y remédier ; par exemple, entre celles d'Outdoorvision et celles des Eco-compteurs (bornes de comptage des « passants ») ou de Flux Vision Tourisme (dispositif d'évaluation de la fréquentation touristique).

À l'avenir, les territoires souhaitent, semble-t-il, en savoir un peu plus sur les traces collectées, sur qui se cache derrière, un sportif ou un pratiquant occasionnel par exemple. Sans aller jusqu'à solliciter ces informations personnelles, une analyse des vitesses, des distances parcourues ou de la fréquence des sorties est prévue pour éclairer les territoires sur les profils des personnes qui donnent leurs tracés GPS.
Petit à petit, Outdoorvision gagne donc en précision. Et son approche novatrice de visualisation des flux de pratiques d'activités outdoor en a fait, aux yeux des utilisateurs, un outil complémentaire d’expertise du territoire. Gageons qu'il deviendra indispensable !

Pour aller plus loin

Quand le numérique contribue à la préservation des lieux de pratique des sports de nature. PRNSN, 2021. Journée technique du réseau national sports de nature, n° 15

Le Big data, une nouvelle voie pour vos politiques en matière d’outdoor. PRNSN, 2019. Dossier d’information

Plateforme Outdoorvision : outdoorvision.fr

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